La Cour de Cassation a rendu le 17 octobre 2019 (n° de pourvoi 18-19261) une décision particulièrement intéressante concernant l’évaluation de la prestation compensatoire.
Dans le cadre d’un divorce de deux époux, il avait été décidé par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX la fixation d’une prestation compensatoire au profit de l’épouse à hauteur de 20 000 €.
Dans cette affaire, l’épouse était âgée de 66 ans et percevait une retraite de 832 € mensuels, elle vivait seule au domicile conjugal et elle devait payer à son époux une indemnité d’occupation dans la mesure où la jouissance du domicile conjugal lui avait été attribuée à titre onéreux.
L’épouse considérait qu’elle était dans une situation particulière puisqu’au stade de la liquidation du régime matrimonial, elle devrait verser à son époux une indemnité d’occupation de sorte que le versement de cette indemnité était de nature à rompre l’égalité entre les droits respectifs des parties dans la liquidation.
La Cour de Cassation retient que :
« La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
Qu’en l’espèce Madame J… faisait valoir outre ses charges courantes, qu’elle était débitrice d’une indemnité d’occupation s’élevant à minima à 30 400 € au titre de la jouissance à titre onéreux du logement commun qu’elle occupe depuis l’ordonnance de non conciliation.
Que pour fixer la prestation compensatoire à la somme de 20 000 € seulement, la Cour d’Appel s’est bornée à tenir compte des « charges courantes » de l’épouse ; constatant ainsi, sans prendre en considération, comme elle y était pourtant invitée, la dette d’indemnité d’occupation mise à la charge de l’épouse, la Cour d’Appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 271 du Code Civil. »
Au regard de cette décision, il est clair que les parties qui vont envisager une liquidation de régime matrimonial n’ont pas intérêt à laisser traîner la situation notamment lorsque l’un des époux occupe à titre onéreux le domicile conjugal.
Cette décision incite donc les époux à préparer la liquidation de leur régime matrimonial le plus tôt possible en demandant notamment au Juge du divorce, sur le fondement de l’article 267 du Code Civil, de statuer sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux en cas de désaccord subsistant entre les parties.
En effet, selon les dispositions de l’article 267 du Code Civil, « A défaut d'un règlement conventionnel par les époux, le juge statue sur leurs demandes de maintien dans l'indivision, d'attribution préférentielle et d'avance sur part de communauté ou de biens indivis.
Il statue sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux, dans les conditions fixées aux articles 1361 à 1378 du code de procédure civile, s'il est justifié par tous moyens des désaccords subsistant entre les parties, notamment en produisant :
-une déclaration commune d'acceptation d'un partage judiciaire, indiquant les points de désaccord entre les époux ;
-le projet établi par le notaire désigné sur le fondement du 10° de l'article 255.
Il peut, même d'office, statuer sur la détermination du régime matrimonial applicable aux époux. »
En l’état de cette décision, on ne peut donc que conseiller aux parties de régler le plus rapidement possible, en cas de divorce, les conséquences dudit divorce sur le partage patrimonial.