La 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation a rendu en date du 26 juin 2019 deux décisions concernant la situation d’un enfant né au sein d’un couple de femmes, après la rupture intervenue entre elles.
Dans le premier cas, le couple de femmes vivait en concubinage (PACS), dans le second le couple de femmes était marié.
Dans les deux cas, les deux femmes décident après plusieurs années de vie ensemble d’avoir un enfant.
En pratique, l’enfant né dans ce cadre n’a de filiation établie qu’à l’égard de la femme qui l’a effectivement porté en application des dispositions de l’article 311-25 du Code Civil.
Dans les deux cas, l’enfant né d’une des femmes n’avait pas été adopté par l’autre femme.
Dans le premier cas, le couple de femmes divorce (arrêt n°18-17.667) et dans le second cas il rompt son PACS (affaire n°18-18.548).
La question qui se pose alors est : quels sont les droits de la femme qui n’est pas juridiquement la mère et qui saisit le Juge aux Affaires Familiales pour solliciter un droit de visite et d’hébergement à l’égard de l’enfant ?
Dans ces deux espèces, la femme qui n’a pas accouché, sollicitait un droit de visite et d’hébergement sur l’enfant de sorte que, même si cela n’est pas clairement indiqué dans le contenu de cette décision, c’est l’article 371-4 du Code Civil qui était le fondement des demandes formulées puisqu’en l’absence de lien de filiation établi, c’est le seul texte qui peut être appliqué en l’espèce.
En effet, selon les dispositions de l’article 371-4 du Code Civil :
« L'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à l'exercice de ce droit.
Si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables. »
Dans la première espèce, les Juges ont débouté la requérante de ses demandes en retenant qu’elle n’a été « qu’associée au projet de maternité » de la mère biologique.
Les Juges considèrent dans ce premier cas que le fait de ne pas porter ensemble un projet parental ab initio a joué en défaveur de la requérante en vue de l’attribution du droit de visite et d’hébergement.
En effet, dans ce cadre la Cour de Cassation a souligné, retenant la position de la Cour d’Appel, que bien que mariée à la mère de l’enfant, la femme n’avait engagé aucune procédure d’adoption visant à établir un lien de droit durable avec l’enfant.
Dans ce cadre, il a été considéré qu’elle n’avait pas démontré dès le départ s’inscrire dans un projet parental en ce qui concerne la venue de cet enfant.
Dans le second cas, l’enfant était âgé de moins de six mois lors de la séparation de sa mère et sa compagne de sorte que, la Cour d’Appel, dont la décision a été confirmée par la Cour de Cassation, a retenu que l’enfant « n’a jamais pu identifier cette dernière en tant que personne ayant pris soin de lui et n’’a pu garder le souvenir de manifestation de la part de celle-ci de sentiments affectueux, d’une protection ou d’une attention de nature parentale ensuite que l’éventualité d’un droit de visite accordé dans un contexte de contrainte placerait l’enfant dans un conflit de loyauté qui l’exposerait à un risque de danger psychique », la requérante « ne justifie pas de liens affectifs durables avec l’enfant, ni d’une durée significative durant laquelle elle aurait pourvu à son éducation et à son entretien » de sorte que les Juges retiennent qu’il n’est pas de l’intérêt de l’enfant de maintenir des liens entre la femme qui n’a pas accouché et l’enfant.
On peut considérer que les Juges regardent si, dans les faits, la personne qui sollicite un droit de visite et d’hébergement dans ce cadre est effectivement le parent de cet enfant depuis le début, tant dans le cadre du projet parental envisagé que dans le cadre de l’entretien et l’éducation de l’enfant tout au cours de sa vie jusqu’à ce que la séparation intervienne.
C’est en fonction de ces critères que le Juge est amené à trancher une telle question.
Le 04 juillet 2019 a été enregistré à l’Assemblée Nationale un projet de loi relatif à la bioéthique.
Ce projet de loi est actuellement en discussion.
S’il devait être voté en l’état, il remettrait ces deux décisions de la Cour de Cassation en cause du moins partiellement, puisqu’une procédure de consentement devant Notaire est prévue lorsque deux femmes décident au sein d’un couple de bénéficier d’un don de gamètes sur le territoire français.
Cela permettrait lorsque cette déclaration anticipée de volonté a été régularisée, lorsque la rupture du lien conjugal intervient de mettre en place un droit de l’autorité parentale commun auquel les deux femmes auparavant en couple pourrait recourir lorsqu’un enfant est né durant leur union.
Attendons donc de savoir quel sort sera réservé à ce projet de loi relatif à la bioéthique qui, assurément, sera de nature à modifier le droit en la matière.